Non à la réunion néonazie organisée, à Nantes, samedi 16 janvier 2016

Lettre à l'attention du journal Presse-Océan, rédaction de Nantes

Madame, Monsieur,

La communauté franco-ukrainienne s'est réuni hier pour assister aux obsèques de sa Présidente Nathalie Pasternak, qui faisait face depuis des années à une longue maladie qui l'a emportée. Se sachant condamnée, Nathalie Pasternak a lutté jusqu'à ses dernières forces pour l'unité, la paix et l'indépendance de l'Ukraine. Nous l'avons vue à Saint Nazaire contre la livraison des Mistral à la Russie de Vladimir Poutine. Elle laisse un mari bien seul pour s'occuper de l'éducation de trois jeunes enfants. En deuil, il est probable, que la communauté ukrainienne ne réagira pas rapidement à l'événement qui fait votre "une" de ce jour et dont vous contribuez à la notoriété "Nantes, Une inquiétante réunion néonazie organisée samedi". Pourtant ne pas répondre est un tort. La micro-réunion d'un groupuscule de nazillons, que vous présentez, prêtera à tous les amalgames car elle revendique une proximité inacceptable avec l'Ukraine, qui est aujourd'hui victime d'une sanglante agression extérieure.


De plus, elle laissera le champ libre à la calomnie du Kremlin, qui sous la conduite de son agence de propagande Sputnik sait très bien jouer de l'opinion française grâce à une collaboration étroite avec le FN et grâce à sa reprise par tous les blogs et médias français de la vaste sphère pro-poutine. Le mécanisme est bien rodé comme il a été décrypté sur un cas précis - "Sabordage des Mistral:Comment les médias français ont été manipulés". Il se répète à l'infini.
De fait, la première annonce que l'on puisse trouver de cette réunion date du 18 décembre 2015 sur le site Misanthropic Divison ,qui se présente ainsi « This website is all about resistance, fascism, antiquity, heathendom, Nietzscheism, estrangement, melancholy and anger - all that young people of traditional values feel in this ugly modern world.» Il s'agit d'un site en faveur de la suprématie blanche. Une manifestation à Swansea est même annoncée par un homme habillé d'une chemise brune et une cravate noire. Voilà la couleur clairement affichée. Par la suite, toute la publicité en a été faite par Sputnik, RT (Russia Today) et leurs différents relais français, jusqu'à ce que "Presse-Océan" s'y mette lui aussi. J'invite vos lecteurs à faire une recherche Google sur le mois écoulé: "Azov Nantes". La saturation de l'espace, par ceux qui disent s'y opposer mais s'en font les propagateurs ravis, pour une minuscule réunion de quelques cinglés, racistes et xénophobes est parfaite. L'usine à troll de St Petersburg peut, de plus, s'y donner à coeur-joie.

En tant que citoyen nantais, en tant que sympathisant de l'Ukraine et en tant que lecteur régulier de votre journal, je me permets de porter à l'attention de vos lecteurs les informations que j'ai tenté de collecter.
Il faut tout d'abord savoir que Pravy Sektor ou Svoboda (avec qui le Front National a signé un accord en 2009 ) ne sont pas plus représentatifs de l'Ukraine que le FN ne l'est de la France. Ils le sont même beaucoup moins vus leurs scores respectifs aux dernières élections (moins de 5% en Ukraine, près de 30% en France). En Russie (pourtant peu suspecte - officiellement - de sympathie "néo-nazie"), l'extrême droite (alliée du Président Poutine) pèse près de 20% de l'électorat.
N'importe qui peut créer un groupe Facebook . Le groupe White-Rebels-Crew , qui dit organiser la réunion ne comprenait que 1063 fans ce matin, sans mouvement au cours des semaines passées. Il est passé à 1073, ce jour à 17 heures, suite à l'article de "Presse-Océan". Cela reste bien peu si l'on prend connaissance des thèses extrémistes qu'il présente, lesquelles sont, hélas, très diffusées sur les sites complotistes et d'extrême droite français, dont l'audience dépasse malheureusement le millier de sympathisants du groupe White-Rebels-Crew. Ce groupe reprend le logo "d'Azov" pour s'appuyer, dans certains cercles, sur la notoriété sulfureuse de ce bataillon. "Azov" n'est en effet pas une "marque déposée". Si elle l'était, cela ne changerait pas grand chose. Le bataillon "Azov", qui a bien d'autres actions plus importantes à gérer, n'a probablement jamais donné son accord pour la réunion de samedi. Les organisateurs seraient vraisemblablement bien en peine de prouver qu'ils ont d'ailleurs sollicité un quelconque avis. De plus, aucune organisation ukrainienne ou aucun mouvement ukrainien n'est partie prenante dans cette réunion. L'adresse à laquelle il faut écrire pour avoir des renseignements revendique l'Ukraine dans une véritable imposture: ukrainenantes@laposte.net.

Quelques Français sont partis essayer, disent-ils, de se battre du côté des pro-russes dans le Donbass. De même d'autres Français sont allés au côté des bataillons qui soutiennent le gouvernement légitimement élu de Kiev. Dans un cas comme dans l'autre, il s'agit d'un nombre limité de personnes et de pieds nickelés plutôt avides de reconnaissance que d'action réelle. Ainsi, lorsque Shimon Samuels, directeur des relations internationales du Centre Simon-Wiesenthal écrit "(Le) bataillon Azov, (est) suspecté d'être d'obédience néonazie et de recruter de jeunes Français. Ce danger pour la jeunesse de France n'a d'égal que celui du recrutement à l'EI» il a tort au moins sur l'aspect recrutement et sur l'aspect EI. Ajoutons qu'il semble qu'"Azov" est en train, depuis 6 mois, de renvoyer tous les volontaires étrangers qui se trouvaient en son sein. Quant à l'obédience néonazie, au moins en partie, "d'Azov" financé par Igor Kolomoisky, oligarque juif, elle ne peut pas, il est vrai, être mise en doute.
Une réunion aussi confidentielle n'est pas une massive campagne de recrutement. Surtout si on ne mentionne pas l'intervenant. Voici ce qui a été répondu par mail à ma "demande d'inscription":
"Le programme sera juste l'intervention des deux personnes au programme avec ensuite discussion autour d'un verre et d'un repas si certains veulent continuer. La contribution de 5 euros sera à régler à l'entrée, pour plus d'info un numéro sera mis en place le jour même." 
A ma nouvelle demande de précision, voici ce qui m'est répliqué:
"Le numéro sera affiché sur la page FB du White Rebels Crew."
D'après ce que je pense avoir pu déterminer en ce qui concerne le soit disant "vétéran d'Azov", il serait présent, sur Facebook, sous le pseudo "Max Lamenace" (White terror) . Il indique comme profession être... "égorgeur de mouton, à Public Enemy #1", qui est proche de la NRA (National Riffle Association), prônant, aux Etats Unis, la vente des armes à feu. Sa photo de profil est, encore une fois, le blason du bataillon Azov. On pourrait presque penser à une provocation du Kremlin tellement tout ceci semble insensé. Pourtant, s'il s'agit de la même personne, on parle d'un volontaire qui aurait quitté Azov il y a plus d'un an après y avoir passé trois semaines à Ourzouf (station côtière de la Mer d'Azov). Il est parti de son propre gré et sans avoir été au feu. Parler de vétéran relève bien de la supercherie.

Pour ma part, comme tout citoyen conscient des valeurs sur lesquelles est construite notre société, je dénonce toute tentative de recrutement de jeunes Français pour aller combattre dans le Donbass, de quelque bord que ce soit. Je dénonce toute exploitation du sanglant malheur ukrainien à des fins partisanes et contraires aux Droits de l'Homme. Je dénonce la complaisance qui accompagne les forces qui oeuvrent à détruire notre pacte social. J'appelle nos médias responsables à s'intéresser à la tragédie qui se joue dans l'Est de l'Europe en usant de professionnalisme et de vigilance à l'égard de la propagande de guerre qui agit avec une violence et un caractère systématique dont ils ne semblent pas être réellement conscients. J'attends de nos élus nantais, qu'ils agissent avec fermeté contre la tenue de la réunion des néo-nazis et qu'ils fassent poursuivre ses organisateurs pour incitation à la haine raciale voire pour promotion de symboles nazis. Je suggère à nos lecteurs de dénoncer sur Facebook la page White-Rebels-CrewSi, ensemble, nous obtenons sa fermeture, alors, la réunion risque de ne pas avoir lieu du fait qu'aucune information ne pourra être diffusée sur le lieu et l'heure de sa tenue.

Bernard Grua, Nantes, le 12 janvier 2015

Addendum: réaction de l'association Ukraine Action

Veuillez trouver en pièce jointe la réaction de Ukraine Action au sujet de la conférence organisée à Nantes le 16 janvier par le groupuscule d'extrême droite. Ukraine Action est une association de défense des Droits de l'Homme crée par des jeunes ukrainiens issus du mouvement Euromaidan
Nous avons appris la tenue d'une conférence organisée par un petit groupuscule d’extrême-droite en France où interviendra un militant de la "Misanthropic Division" à Nantes le 16 janvier. Nous condamnons fermement toute réunion qui puisse servir au recrutement de jeunes français par des forces extrêmistes, comme celle-ci ou encore la conférence organisée par l'Association Novopole le 21 Novembre à Morlaix. Cette dernière faisant parti d'un grand nombre de rencontres et témoignages avec des anciens mercenaires français partis dans le Donbas, au côté des (pro-)russes, diffusés à travers les réseaux de l'extrême droite française.
Nous tenons également à rappeler que ces personnes et leur idéologie de haine ne sont nullement représentatives de l’Ukraine et des Ukrainiens. Les partis d'extrême droite Svoboda et Pravy Sektor en Ukraine n'ont pas dépassé le seuil des 5% aux législatives de 2014. De surcroît, même ces partis, qui ne sont pas soutenus par un grand nombre d’Ukrainiens, ont exclu les membres de "Misantropic Division", car cette dernière prône une idéologie de suprématie blanche.
Par conséquent la personne invitée à Nantes n'est même pas représentative de l'extrême-droite en Ukraine et encore moins des Ukrainiens en général. Nous condamnons fermement l'idéologie véhiculée par ces personnes
.

Mise à jour: Merci à Presse-Océan

L'association Ukraine action dont l'objectif est d'apporter assistance aux Ukrainiens en France et soutien à leur insertion sociale, s'émeut à son tour après l'annonce d'une réunion néonazie samedi à Nantes. Réunion que le préfet a interdite ce mardi 12 janvier. Voir le nouvel article de Presse-Océan: Ukraine action condamne la réunion néonazie

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