Vlogueurs, Instagrameurs & Blogueurs présentent-ils un Pakistan en trompe l’oeil ?
Le Pakistan offre aux influenceuses internationales des opportunités de développement d'audience remarquables, tout en bénéficiant d'un contexte favorable à la production de contenu. Les institutions ne leurs ménagent par leur soutien afin d'en faire des outils de promotion touristique, selon une stratégie appuyée sur la puissance des réseaux sociaux. Mais cette symbiose s'établit dans un relatif manquante de transparence. Les risques tant pour les vlogueuses ou les instagrameuses, que pour les visiteurs étrangers et le pays lui-même, semblent insuffisamment pris en compte.
Le Pakistan est devenu un nouvel eldorado pour les vlogueurs (video-blogueurs) et Instagrameurs de voyage, en particulier les jeunes femmes physiquement avenantes. Les "travel vlogueuses" jouissent d'un nombre de fans très supérieur à ce qu'elles pourraient espérer dans des contrées où la séparation des sexes est moins marquée.
C'est la garantie d'arriver au statut envié "d'influenceuse". Ces juvéniles étrangères fascinent la gente masculine pakistanaise vivant dans une société connaissant une forte ségrégation homme/femme. Si on lance une requête Google, par exemple, sur la polono-britannique Eva Zu Beck (465 K abonnés) ou la canadienne Rosie Gabrielle (304 K abonnés) on constate que les premiers mots suggérés par le moteur de recherche sont : "nationality", "husband", "age", "married", "illness", "birthday", "height", "religion". Le mot "travel" (voyage) n'est pas mentionné. On imagine facilement les fantasmes que véhiculent ces jeunes femmes. En conséquence, la plupart de leurs abonnés ne sont pas des visiteurs étrangers. Ce sont des citoyens pakistanais, qui attendent, de plus, une reconnaissance internationale après avoir souffert de l'image terroriste qui collait à leur patrie. Ainsi, pour rester au top, les vlogueurs (vlogueuses) et Instagrammeurs (Instagrammeuses) ne rapportent aucune expérience négative sur le pays. Cela nuirait à leur entreprise. Il est important de livrer ce que leur public attend, à savoir un message flatteur. C'est le prix à payer pour être un "influenceur". Nous sommes dans une entreprise de séduction réciproque. Pour ceux qui seraient étrangers à ce jeu, un tel déballage de narcissisme et de guimauve conduit rapidement à l'écœurement.
Bien entendu, le charme est mis à contribution même s'il s'agit d'une forme d'exhibitionnisme soft. Sur sa chaîne Youtube, l'américaine Jordan Taylor (521 k abonnés), présente de nombreuses vidéos d'elle-même en bikini. Ces images apportent certainement une contribution importante à sa large audience et à, paradoxalement, son statut de VIP dans un Pakistan qui se dit ultra-puritain. Dans ce défilé de prétendantes, un homme émerge. Il s'agit de l'américain Mark Wienns qui a plus de 5,6 millions d'abonnés. Mais il est spécialisé dans les gastronomies du monde. Il est le seul des quatre premiers a apporter véritablement une forme de valeur-ajouté et de valorisation des savoir-faire locaux. Il a dix fois plus d'abonnés que la numéro deux, Jordan Taylor.
Largement au-dessous des quatre premiers, le néerlandais Huub van der Mark, comme les autres vlogueurs se met en scène. Il a le mérite de raconter des histoires qui se rapprochent, par moments, de ce qui pourrait être de l'aventure. Il a, vraisemblablement, le défaut de ne pas être une jeune femme, ceci expliquant le fait qu'il ne franchisse pas la barre des 100 K abonnés. Les trois vlogueuses suivantes n'ont probablement pas assez investi sur le Pakistan pour atteindre les scores d'Eva Zu Beck ou de Rosie Gabrielle. C'est pourtant là que l'australienne Brooke Saward, comme l'allemande Travel Comic et la britannique Elie Quinn, y réalise ses meilleurs scores en terme de visionnage, à l'exception de la vidéo de sa lune de miel aux Maldives, où Brooke fait concurrence à la dévoilée Jordan Taylor. Elle a quand même le mérite d'annoncer la couleur dans un clip : "Comment être payé pour voyager ?"
Les quatre, cinq en fait, vlogueurs pakistanais qui se distinguent, à l'exception des Scooty Girls, n'entrent pas réellement dans le domaine concernant le voyage. Pourtant, ils sont dignes d'intérêt. Mubashir Siddique réalise lui aussi des vidéos sur la gastronomie. Il s'intéresse à celle des campagnes. Il s'exprime en ourdou ainsi que les deux suivants. Faisal Warraich met en ligne des thèmes d'histoire. Comme Siddique, il dépasse le million d'abonnés. Le très jeune Zain Ul Abadin raconte la vie de son village avec un grand succès d'audience. Voilà un témoignage qui prendra certainement de la valeur au cours des décennies à venir. Dans un classement général, il viendrait juste derrière la médiatique Rosie Gabrielle. Quant aux Scooty Girls, elles intéressent peut-être les jeunes filles pakistanaises qui rêvent d'évasion, mais leur diffusion est beaucoup plus confidentielle.
Voir en annexe la liste des liens et l'audience des comptes de ces différents influenceurs sur les réseaux sociaux Youtube, Instagram, Facebook ainsi que leurs blogs, le cas échéant.
Les autorités et les entreprises nationales pakistanaises voient chez les vlogueuses étrangères un outil de relations publiques efficace dans leur souhait de créer une nouvelle image pour le pays. Le tourisme est devenu un enjeu critique pour une nation qui a besoin de faire entrer des devises étrangères ainsi que de fournir du travail à une population en croissance soutenue. Le Premier-ministre Imran Khan en a fait une de ses priorités, dès son entrée en fonction. "Sous Imran Khan, le Pakistan prévoit de stimuler le tourisme pour créer des millions d'emplois". La communication sur ce sujet est encadrée et organisée, de façon très moderne et probablement rationnelle économiquement. En avril 2019, à Islamabad, s'est tenu le premier rassemblement des vlogueurs nationaux et internationaux (Pakistan’s First Vlog Summit 2019). L'article de promotion qu'en faisait "Propakistani" mérite d'être soulignée. On note que toutes les trois photos et la vidéo insérées représentent la vlogueuse américaine Jordan Taylor. Pour un pays où règne le patriarcat, on ne voit aucune image masculine dans cet article. Il y est annoncé : "c'est le moment idéal pour le Pakistan de présenter sa véritable image de lieu paisible, beau et convivial pour le tourisme et, surtout, un endroit où chacun peu voyager en toute sécurité." A nouveau il est rappelé : "Le forum se concentrera sur le fait que le Pakistan est pays où l'on peut voyager en sécurité, en particulier pour les personnes qui viennent avec leur famille." On reviendra sur cette sécurité par la suite.
Dans son compte-rendu de l'événement, Alpha Pro, l'organisateur, explique tranquillement que les exposés se sont concentrés sur la façon dont "un vlog peut être utilisé pour influencer l'opinion des masses". Huit mois après le sommet, le britannique Condé Nast Traveller titrait que le Pakistan est en tête de liste des meilleures destinations de vacances 2020.
L'américaine Alexandra Reynolds n'est pas une vlogueuse ordinaire. C'est, au contraire, une blogueuse, de référence sur le Pakistan. Elle a, par ses écrits issus d'expériences vécues en véritable voyageuse indépendante, largement contribué à y développer le nombre de visiteurs étrangers, car il n'existe pas de guide de voyage international pour ce pays. Pourtant, elle a vu son intervention supprimée dans les quelques heures qui précédaient sa présentation au "Vlog Summit 2019" ainsi que cela est raconté dans cet article. "Nous devons être honnêtes, le Pakistan n'est pas un pays où il est facile voyager : Alex, la blogueuse de voyage".
Un des thèmes majeurs du forum était, on l'a vu, la sécurité. Alex voulait en parler, de façon qualifiée. Elle a été censurée. Elle s'en est expliqué dans une vidéo. Il est éclairant de prendre connaissance des commentaires masculins, particulièrement agressifs qui ont été rédigés sous sa présentation.
Sur Facebook, bien qu'il s'agisse d'une observation largement partagée, une autre blogueuse a été sévèrement mise en cause pour avoir mentionné le peu de femmes qu'elle voyait à l'extérieur. D'un autre côté, une influenceuse, dans son souhait de dépasser les attentes de son public, a présenté le Baloutchistan, une région agitée de soulèvements et de violences islamistes comme un paradis sûr pour les voyageuses en solo. Cette fois, elle a quand même eu le droit à des sarcasmes de la part de Pakistanais. En réalité ces vlogueurs qui se présentent comme des voyageur(e)s indépendant(e)s arrivent peut-être seul(e)s dans le pays. Mais ils (elles) jouissent, sur place, de supports matériels voire financiers. Leur sécurité est assurée, souvent, par des gardes armés, quand ils (elles) ne bénéficient pas de voyages organisés à leur seule intention. La réalité de pérégrinations en indépendant n'est pas celle, glamour, présentée par les influenceurs.
Course au nombre d'abonnés (notoriété, revenus publicitaire) soucis de plaire à leurs commanditaires (rendant le voyage possible, voire rémunérateur) voilà de quoi produire un contenu "consensuel" plus ou moins trompeur.
La vision glamour projetée par les influenceuses peut conduire à une mauvaise perception de la complexité du pays. Elle empêche d'ignorer d'autres tensions opposées, profondément enracinées. Voir cet article de l'AFP publié sur Gulf News: "Les critiques disent que les blogueurs de voyage étrangers ne brossent pas un tableau complet et honnête du Pakistan"
Le Pakistan est une terre de contrastes avec différentes ethnies, tribus et sectes religieuses, sans même parler de l'écart entre les citadins et les non-urbains ou entre les gens des plaines et ceux des montagnes. Si l'étranger rencontre un problème, les positions seront plus déterminées par ces paramètres sociaux que par la quête de la vérité. Si une fable est construite, comme étant un scénario plus ou moins plausible, elle sera accepté sans aucun contrôle. Nous devons oublier notre cartésianisme ou notre rationalisme occidental et les efforts que nous faisons pour collecter des preuves documentées avant d'exprimer nos conclusions. Dans une situation difficile, il faut s'attendre à ce que les opinions soient exprimées après que les contradicteurs aient fait appel aux émotions et aux pulsions. Ainsi, parmi le millier de tweets calomnieux auxquels j'ai été confronté, du fait de Ramla Akhtar, une pakistanaise radicalisée, utilisant aujourd'hui l'identifiant @BarefootRaRa, pas un seul n'a été remis en cause. Lorsque j'ai essayé de donner calmement des informations aux personnes qui retweetaient ou "likaient" ces diffamations xénophobes, les réactions étaient hostiles et source de nouvelles agressions écrites. Twitter a offert l'opportunité d'acquérir une idée des lignes de crispation et des aigreurs profondes qui hantent l'arrière-cour pakistanaise derrière la façade dont on procède au ravalement et la quête de ses citoyens souhaitant obtenir la reconnaissance internationale à laquelle ils aspirent.
Promouvoir des visuels plus ou moins sexués ainsi qu'une forme de réussite, dans des pays où les femmes sont tenues cachées et où les citoyens aspirant à voyager ne peuvent accomplir ce rêve par manque de moyens, est source de danger. Les ingénues vlogueuses ne mesurent pas nécessairement que leurs appâts sont visionnées par des millions d'internautes dont elles excitent les frustrations, les fantasmes de volupté facile et les rancoeurs. Elles peuvent alors se transformer en proie dès lors qu'elles ne jouissent pas d'une protection armée comme lors de la réalisation de leurs clips de promotion pour le Pakistan. C'est la traumatisante expérience vécue en Inde par l'américaine Jordan Taylor. C'est, encore une fois, les sages conseils de prudence donnés par la blogueuse Alex Reynolds que l'on veut ignorer.
Le Pakistan est encore considéré comme le 11e pays le plus dangereux du monde. Il abrite 12 organisations terroristes reconnues. Pour le Ministère des Affaires Etrangères français seule la capitale, Islamabad, est accessible en vigilance renforcée. Les autres régions sont déconseillées sauf raison impérative quand elles ne sont pas formellement déconseillées.
L'étranger rencontre des personnes très accueillantes qui auront à cœur de faire bonne impression. Ces gens prendront soin de lui. Ils l'inviteront pour le thé, voire le déjeuner et le dîner. Ils seront cordiaux sans arrière-pensée. L'étranger profitera d'une des plus belles hospitalités du monde. On lui demandera à plusieurs reprises et sans fin "Que pensez-vous du Pakistan?", même lorsqu'il voudra profiter tranquillement d'un sublime paysage, d'un beau crépuscule ou d'un magnifique lever de soleil. Cependant, dès qu'un désaccord apparaîtra, il fera, plus qu'ailleurs, l'objet d'accusations de racisme, de doubles standards, de colonialisme, de suprématisme blanc voire de séparatisme.
Il serait faux de croire qu'il existe une frontière claire entre l'intégrisme et tous les «gens normaux». Les deux tendances sont souvent mélangées en profondeur. L'intégrisme peut être juste un signe de retard ou, plus exactement, de domination masculine. Mais cela peut, tout aussi bien, être le sous-produit de la modernité. Des éléments de radicalisme islamique sont partagés par de nombreux hommes instruits et, de manière surprenante, par de nombreuses femmes également. D'une même personne, il est possible d'entendre des considérations sociales avancées marchant de pair avec un discours ultra-réactionnaire. La naïveté n'est pas de mise. S'il convient de respecter son interlocuteur, il ne faut pas se projeter en lui. En aucun cas, il ne peut être le miroir de l'étranger même s'il l'appelle sincèrement « frère » ou « sœur ». Il est utile de se souvenir que lui et l'étranger n'ont pas la même histoire personnelle et n'ont pas grandi dans le même cadre social. Des mots ou des expressions, même si certains ressemblent à des positions très acceptées ailleurs, peuvent être source de graves malentendus, ou être déformés dans un sens volontairement inacceptable en vue de créer des fake-news à charge.
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Audience conquise d'avance, support commercial et étatique, le Pakistan est le paradis des influenceurs
Un environnement exceptionnellement favorable au développement d'une audience
Le Pakistan est devenu un nouvel eldorado pour les vlogueurs (video-blogueurs) et Instagrameurs de voyage, en particulier les jeunes femmes physiquement avenantes. Les "travel vlogueuses" jouissent d'un nombre de fans très supérieur à ce qu'elles pourraient espérer dans des contrées où la séparation des sexes est moins marquée.
C'est la garantie d'arriver au statut envié "d'influenceuse". Ces juvéniles étrangères fascinent la gente masculine pakistanaise vivant dans une société connaissant une forte ségrégation homme/femme. Si on lance une requête Google, par exemple, sur la polono-britannique Eva Zu Beck (465 K abonnés) ou la canadienne Rosie Gabrielle (304 K abonnés) on constate que les premiers mots suggérés par le moteur de recherche sont : "nationality", "husband", "age", "married", "illness", "birthday", "height", "religion". Le mot "travel" (voyage) n'est pas mentionné. On imagine facilement les fantasmes que véhiculent ces jeunes femmes. En conséquence, la plupart de leurs abonnés ne sont pas des visiteurs étrangers. Ce sont des citoyens pakistanais, qui attendent, de plus, une reconnaissance internationale après avoir souffert de l'image terroriste qui collait à leur patrie. Ainsi, pour rester au top, les vlogueurs (vlogueuses) et Instagrammeurs (Instagrammeuses) ne rapportent aucune expérience négative sur le pays. Cela nuirait à leur entreprise. Il est important de livrer ce que leur public attend, à savoir un message flatteur. C'est le prix à payer pour être un "influenceur". Nous sommes dans une entreprise de séduction réciproque. Pour ceux qui seraient étrangers à ce jeu, un tel déballage de narcissisme et de guimauve conduit rapidement à l'écœurement.
Bien entendu, le charme est mis à contribution même s'il s'agit d'une forme d'exhibitionnisme soft. Sur sa chaîne Youtube, l'américaine Jordan Taylor (521 k abonnés), présente de nombreuses vidéos d'elle-même en bikini. Ces images apportent certainement une contribution importante à sa large audience et à, paradoxalement, son statut de VIP dans un Pakistan qui se dit ultra-puritain. Dans ce défilé de prétendantes, un homme émerge. Il s'agit de l'américain Mark Wienns qui a plus de 5,6 millions d'abonnés. Mais il est spécialisé dans les gastronomies du monde. Il est le seul des quatre premiers a apporter véritablement une forme de valeur-ajouté et de valorisation des savoir-faire locaux. Il a dix fois plus d'abonnés que la numéro deux, Jordan Taylor.
Mark Wienns | Jordan Taylor | Eva Zu Beck | Rosie Gabrielle |
5 620 K abonnés | 521 K abonnés | 465 K abonnés | 304 K abonnés |
Largement au-dessous des quatre premiers, le néerlandais Huub van der Mark, comme les autres vlogueurs se met en scène. Il a le mérite de raconter des histoires qui se rapprochent, par moments, de ce qui pourrait être de l'aventure. Il a, vraisemblablement, le défaut de ne pas être une jeune femme, ceci expliquant le fait qu'il ne franchisse pas la barre des 100 K abonnés. Les trois vlogueuses suivantes n'ont probablement pas assez investi sur le Pakistan pour atteindre les scores d'Eva Zu Beck ou de Rosie Gabrielle. C'est pourtant là que l'australienne Brooke Saward, comme l'allemande Travel Comic et la britannique Elie Quinn, y réalise ses meilleurs scores en terme de visionnage, à l'exception de la vidéo de sa lune de miel aux Maldives, où Brooke fait concurrence à la dévoilée Jordan Taylor. Elle a quand même le mérite d'annoncer la couleur dans un clip : "Comment être payé pour voyager ?"
Huub Van der Mark | Brooke Saward | Travel Comic | Elie Quinn |
98 K abonnés | 76 K abonnés | 41 K abonnés | 22 K abonnés |
Les quatre, cinq en fait, vlogueurs pakistanais qui se distinguent, à l'exception des Scooty Girls, n'entrent pas réellement dans le domaine concernant le voyage. Pourtant, ils sont dignes d'intérêt. Mubashir Siddique réalise lui aussi des vidéos sur la gastronomie. Il s'intéresse à celle des campagnes. Il s'exprime en ourdou ainsi que les deux suivants. Faisal Warraich met en ligne des thèmes d'histoire. Comme Siddique, il dépasse le million d'abonnés. Le très jeune Zain Ul Abadin raconte la vie de son village avec un grand succès d'audience. Voilà un témoignage qui prendra certainement de la valeur au cours des décennies à venir. Dans un classement général, il viendrait juste derrière la médiatique Rosie Gabrielle. Quant aux Scooty Girls, elles intéressent peut-être les jeunes filles pakistanaises qui rêvent d'évasion, mais leur diffusion est beaucoup plus confidentielle.
Mubashir Siddique | Faisal Warraich | Zain Ul Abadin | Scooty Girls |
1 730 K abonnés | 1 300 K abonnés | 253 K abonnés | 2 K abonnés |
Voir en annexe la liste des liens et l'audience des comptes de ces différents influenceurs sur les réseaux sociaux Youtube, Instagram, Facebook ainsi que leurs blogs, le cas échéant.
Un support commercial et étatique facilitant la création de contenu
Les autorités et les entreprises nationales pakistanaises voient chez les vlogueuses étrangères un outil de relations publiques efficace dans leur souhait de créer une nouvelle image pour le pays. Le tourisme est devenu un enjeu critique pour une nation qui a besoin de faire entrer des devises étrangères ainsi que de fournir du travail à une population en croissance soutenue. Le Premier-ministre Imran Khan en a fait une de ses priorités, dès son entrée en fonction. "Sous Imran Khan, le Pakistan prévoit de stimuler le tourisme pour créer des millions d'emplois". La communication sur ce sujet est encadrée et organisée, de façon très moderne et probablement rationnelle économiquement. En avril 2019, à Islamabad, s'est tenu le premier rassemblement des vlogueurs nationaux et internationaux (Pakistan’s First Vlog Summit 2019). L'article de promotion qu'en faisait "Propakistani" mérite d'être soulignée. On note que toutes les trois photos et la vidéo insérées représentent la vlogueuse américaine Jordan Taylor. Pour un pays où règne le patriarcat, on ne voit aucune image masculine dans cet article. Il y est annoncé : "c'est le moment idéal pour le Pakistan de présenter sa véritable image de lieu paisible, beau et convivial pour le tourisme et, surtout, un endroit où chacun peu voyager en toute sécurité." A nouveau il est rappelé : "Le forum se concentrera sur le fait que le Pakistan est pays où l'on peut voyager en sécurité, en particulier pour les personnes qui viennent avec leur famille." On reviendra sur cette sécurité par la suite.
Jordan Taylor guest star du Vlog Summit 2019 à Islamabad
Photos à Tawain, en Egypte et en Inde
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Dans son compte-rendu de l'événement, Alpha Pro, l'organisateur, explique tranquillement que les exposés se sont concentrés sur la façon dont "un vlog peut être utilisé pour influencer l'opinion des masses". Huit mois après le sommet, le britannique Condé Nast Traveller titrait que le Pakistan est en tête de liste des meilleures destinations de vacances 2020.
Une mise en scène déraisonnablement optimiste
Censure et excès de zèle
L'américaine Alexandra Reynolds n'est pas une vlogueuse ordinaire. C'est, au contraire, une blogueuse, de référence sur le Pakistan. Elle a, par ses écrits issus d'expériences vécues en véritable voyageuse indépendante, largement contribué à y développer le nombre de visiteurs étrangers, car il n'existe pas de guide de voyage international pour ce pays. Pourtant, elle a vu son intervention supprimée dans les quelques heures qui précédaient sa présentation au "Vlog Summit 2019" ainsi que cela est raconté dans cet article. "Nous devons être honnêtes, le Pakistan n'est pas un pays où il est facile voyager : Alex, la blogueuse de voyage".
Un des thèmes majeurs du forum était, on l'a vu, la sécurité. Alex voulait en parler, de façon qualifiée. Elle a été censurée. Elle s'en est expliqué dans une vidéo. Il est éclairant de prendre connaissance des commentaires masculins, particulièrement agressifs qui ont été rédigés sous sa présentation.
Pourquoi le discours sincère d'Alex Reynold n'est pas accepté, alors que son blog est précieux pour tous les voyageurs étrangers au Pakistan? |
Sur Facebook, bien qu'il s'agisse d'une observation largement partagée, une autre blogueuse a été sévèrement mise en cause pour avoir mentionné le peu de femmes qu'elle voyait à l'extérieur. D'un autre côté, une influenceuse, dans son souhait de dépasser les attentes de son public, a présenté le Baloutchistan, une région agitée de soulèvements et de violences islamistes comme un paradis sûr pour les voyageuses en solo. Cette fois, elle a quand même eu le droit à des sarcasmes de la part de Pakistanais. En réalité ces vlogueurs qui se présentent comme des voyageur(e)s indépendant(e)s arrivent peut-être seul(e)s dans le pays. Mais ils (elles) jouissent, sur place, de supports matériels voire financiers. Leur sécurité est assurée, souvent, par des gardes armés, quand ils (elles) ne bénéficient pas de voyages organisés à leur seule intention. La réalité de pérégrinations en indépendant n'est pas celle, glamour, présentée par les influenceurs.
Course au nombre d'abonnés (notoriété, revenus publicitaire) soucis de plaire à leurs commanditaires (rendant le voyage possible, voire rémunérateur) voilà de quoi produire un contenu "consensuel" plus ou moins trompeur.
Quand ce qui se prétend un récit de voyage n'est plus qu'un clip publicitaire sponsorisé |
Tensions souterraines contraires à l'ouverture internationale
La vision glamour projetée par les influenceuses peut conduire à une mauvaise perception de la complexité du pays. Elle empêche d'ignorer d'autres tensions opposées, profondément enracinées. Voir cet article de l'AFP publié sur Gulf News: "Les critiques disent que les blogueurs de voyage étrangers ne brossent pas un tableau complet et honnête du Pakistan"
… Les critiques avertissent que leurs filtres roses (des blogueurs de voyage) sont irresponsables et vendent une image inexacte d'un pays conservateur marqué par le militantisme.
"Tout ce discours " Tout est merveilleux au Pakistan "est tout simplement irresponsable", révèle June, une Britannique indignée de 51 ans.
« Cela me met en colère de voir des Blancs nous représenter. Nous n'avons pas complètement fini avec notre gueule de bois post-coloniale», explique Zaman.
Le Pakistan est une terre de contrastes avec différentes ethnies, tribus et sectes religieuses, sans même parler de l'écart entre les citadins et les non-urbains ou entre les gens des plaines et ceux des montagnes. Si l'étranger rencontre un problème, les positions seront plus déterminées par ces paramètres sociaux que par la quête de la vérité. Si une fable est construite, comme étant un scénario plus ou moins plausible, elle sera accepté sans aucun contrôle. Nous devons oublier notre cartésianisme ou notre rationalisme occidental et les efforts que nous faisons pour collecter des preuves documentées avant d'exprimer nos conclusions. Dans une situation difficile, il faut s'attendre à ce que les opinions soient exprimées après que les contradicteurs aient fait appel aux émotions et aux pulsions. Ainsi, parmi le millier de tweets calomnieux auxquels j'ai été confronté, du fait de Ramla Akhtar, une pakistanaise radicalisée, utilisant aujourd'hui l'identifiant @BarefootRaRa, pas un seul n'a été remis en cause. Lorsque j'ai essayé de donner calmement des informations aux personnes qui retweetaient ou "likaient" ces diffamations xénophobes, les réactions étaient hostiles et source de nouvelles agressions écrites. Twitter a offert l'opportunité d'acquérir une idée des lignes de crispation et des aigreurs profondes qui hantent l'arrière-cour pakistanaise derrière la façade dont on procède au ravalement et la quête de ses citoyens souhaitant obtenir la reconnaissance internationale à laquelle ils aspirent.
Promouvoir des visuels plus ou moins sexués ainsi qu'une forme de réussite, dans des pays où les femmes sont tenues cachées et où les citoyens aspirant à voyager ne peuvent accomplir ce rêve par manque de moyens, est source de danger. Les ingénues vlogueuses ne mesurent pas nécessairement que leurs appâts sont visionnées par des millions d'internautes dont elles excitent les frustrations, les fantasmes de volupté facile et les rancoeurs. Elles peuvent alors se transformer en proie dès lors qu'elles ne jouissent pas d'une protection armée comme lors de la réalisation de leurs clips de promotion pour le Pakistan. C'est la traumatisante expérience vécue en Inde par l'américaine Jordan Taylor. C'est, encore une fois, les sages conseils de prudence donnés par la blogueuse Alex Reynolds que l'on veut ignorer.
Faire preuve d'un scepticisme et d'une prudence de bon aloi
Garder en tête que le Pakistan est bien loin d'être unanimement évalué comme la première destination touristique du monde
Le Pakistan est encore considéré comme le 11e pays le plus dangereux du monde. Il abrite 12 organisations terroristes reconnues. Pour le Ministère des Affaires Etrangères français seule la capitale, Islamabad, est accessible en vigilance renforcée. Les autres régions sont déconseillées sauf raison impérative quand elles ne sont pas formellement déconseillées.
Ne pas sous-estimer la complexité de la société pakistanaise
L'étranger rencontre des personnes très accueillantes qui auront à cœur de faire bonne impression. Ces gens prendront soin de lui. Ils l'inviteront pour le thé, voire le déjeuner et le dîner. Ils seront cordiaux sans arrière-pensée. L'étranger profitera d'une des plus belles hospitalités du monde. On lui demandera à plusieurs reprises et sans fin "Que pensez-vous du Pakistan?", même lorsqu'il voudra profiter tranquillement d'un sublime paysage, d'un beau crépuscule ou d'un magnifique lever de soleil. Cependant, dès qu'un désaccord apparaîtra, il fera, plus qu'ailleurs, l'objet d'accusations de racisme, de doubles standards, de colonialisme, de suprématisme blanc voire de séparatisme.
Il serait faux de croire qu'il existe une frontière claire entre l'intégrisme et tous les «gens normaux». Les deux tendances sont souvent mélangées en profondeur. L'intégrisme peut être juste un signe de retard ou, plus exactement, de domination masculine. Mais cela peut, tout aussi bien, être le sous-produit de la modernité. Des éléments de radicalisme islamique sont partagés par de nombreux hommes instruits et, de manière surprenante, par de nombreuses femmes également. D'une même personne, il est possible d'entendre des considérations sociales avancées marchant de pair avec un discours ultra-réactionnaire. La naïveté n'est pas de mise. S'il convient de respecter son interlocuteur, il ne faut pas se projeter en lui. En aucun cas, il ne peut être le miroir de l'étranger même s'il l'appelle sincèrement « frère » ou « sœur ». Il est utile de se souvenir que lui et l'étranger n'ont pas la même histoire personnelle et n'ont pas grandi dans le même cadre social. Des mots ou des expressions, même si certains ressemblent à des positions très acceptées ailleurs, peuvent être source de graves malentendus, ou être déformés dans un sens volontairement inacceptable en vue de créer des fake-news à charge.
Enfin et surtout, il est nécessaire d'être clair dans sa démarche. Ici plus qu'ailleurs, on y va pour apprendre et non pas pour comparer. On ne s'y déplacera pas comme un touriste, mais comme un voyageur responsable. On y recherchera la différence en tentant d'y décerner en quoi elle pourrait nous enrichir.
ANNEXES
Comptes Youtube et Instagram des influenceurs médiatisant le Pakistan (04/03/2020)
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Comptes Facebook et blogs des influenceurs médiatisant le Pakistan (04/03/2020)
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